Les présidents des universités d’Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes se sont rencontrés ce mardi 14 avril à Reims. La nouvelle configuration régionale nous interpelle directement, et il était important que nous puissions échanger sur ce sujet. Mais qu’on se rassure, il n’est dans l’intention de personne d’aller vers une structure universitaire unique ! En revanche, nous avons résolu de nous rencontrer régulièrement au sein d’une « Conférence des universités du Grand Est ».
Quelques grands axes se dégagent naturellement de cette rencontre. Le premier est stratégique : nous voulons affirmer que l’enseignement supérieur et la recherche sont une chance pour cette future région, et constituent des atouts essentiels pour son développement, des éléments primordiaux de son rayonnement. Il nous faut convaincre de ce qui m’apparaît être une évidence : les universités jouent un rôle déterminant dans le présent et dans l’avenir de cette future grande région. Nos établissements sont complémentaires, et pas concurrents. C’est pourquoi nous avons aussi décidé de commencer un travail de coordination, en particulier sur la carte des formations et les infrastructures numériques.
Mais le vrai défi sera de faire en sorte que la politique d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation de cette nouvelle région soit à la hauteur des dynamiques de nos universités, au-delà des replis identitaires ou des projets purement économiques. Nous saurons le rappeler aux candidats aux élections de décembre.
Alain Beretz
Président de l'Université de Strasbourg
La Société d’accélération de transfert de technologies (Satt) Conectus Alsace a pour mission d’investir dans la propriété intellectuelle issue des laboratoires du site, la maturation des technologies et d’assurer leur transfert vers le monde économique ; elle assure également la gestion des contrats de recherche partenariale et de prestations de services pour le compte de ses actionnaires comme l’Université de Strasbourg. Après trois ans d’existence, elle vient d’être évaluée par l’État et se voit attribuer une nouvelle enveloppe de 18 millions d’euros. Bilan et perspectives avec Nicolas Carboni, son président.
Pouvez-vous en dire plus sur cette évaluation ? Comment a-t-elle été réalisée ?
Cette évaluation s’est déroulée en deux phases. Tout d’abord, deux sociétés de conseil mandatées par l’Agence nationale de la recherche (ANR) ont évalué d’une part les aspects financiers et d’autre part la partie « métiers ». Après avoir analysé un volume très important de documents, elles sont venues sur site pendant deux jours pour rencontrer près de 55 personnes : les équipes de la Satt, des usagers (chercheurs et entreprises), des membres du conseil d’administration, ceux du comité d’investissement, différents partenaires de l’écosystème régional de l’innovation, etc.
Au cours de la deuxième phase, j’ai été auditionné par le comité de pilotage de l’ANR, au sujet du rapport préliminaire produit par les deux sociétés conseil puis sur notre stratégie de développement et nos priorités pour la période 2015-2017.
Et quelles en sont les principales conclusions ?
Cinq indicateurs ont été évalués : nombre de dépôts de brevets, de licences d’exploitation, de créations de start-up et enfin nombre de projets de maturation et leurs volumes financiers. Pour quatre de ces indicateurs, nous sommes au-dessus des objectifs fixés dans notre modèle de développement initial. Seul le nombre de projets de maturation financés est légèrement inférieur, car nous avons fait le choix d’en financer moins pour des montants plus importants. Aujourd’hui, notre stratégie a convaincu l’État puisqu’il encourage toutes les Satt à aller vers des projets plus ambitieux, de plus grande envergure.
De manière plus qualitative, le professionnalisme de nos équipes a été souligné ainsi que la réelle plus-value que nous apportons à la fois aux chercheurs porteurs de projets et aux entreprises. Du point de vue des évaluateurs, la création de la Satt a permis de fortement consolider le dispositif régional d’innovation, et elle s’est bien intégrée dans cet écosystème. Intégrer la gestion des contrats de recherche partenariale était un modèle original – et contesté – lors de la création de Conectus Alsace ; ce modèle est aujourd’hui reconnu comme très pertinent à l’échelle d’un site de recherche.
Qu’est-ce que la Satt a changé dans le quotidien des chercheurs et des laboratoires de l’université ?
La perception de la Satt par les chercheurs peut être différente selon qu’ils aient déjà travaillé avec nous au montage d’un projet de maturation ou non.
Depuis trois ans, nous avons clairement progressé en compétences et nous nous efforçons d’offrir un service de qualité dans la gestion des contrats, le plus efficace et le plus simple possible. Mais notre vraie valeur ajoutée réside dans l’activité de maturation de projets. D’abord parce que notre capacité d’investissements – près de dix millions d’euros en trois ans – est conséquente. Ensuite parce que nous apportons une réelle valeur ajoutée dans la construction des dossiers. Bien sûr, nous prenons en charge tous les aspects qui ne sont pas reliés au projet scientifique, de sorte que le chercheur puisse se concentrer sur cet aspect. Mais au-delà, nous allons chercher de nombreux intrants industriels pour s’assurer que les livrables du projet correspondent bien aux attentes des industriels, seul garant d’un transfert efficace en fin de projet.
La création de la Satt a également permis de rendre le processus de négociation et de signature de licences de transfert de technologies plus rapide et plus simple. La Satt ayant un plein mandat de négociation et de signature, cela accélère les choses et simplifie les interactions avec les entreprises.
Aujourd’hui, nous mesurons les premiers impacts de nos investissements en maturation, notamment sur la valeur de nos transactions de licence. Pour 2014, nous avons facturé plus de 730 000 euros de retours de propriété intellectuelle. À ce rythme, nous serons capables de recouvrir nos investissements plus rapidement, et allons pouvoir rémunérer les inventeurs plus vite et de manière plus importante.
Comment va être utilisée la deuxième tranche versée par l’État pour les trois prochaines années ?
D’abord, il faut souligner que l’État nous octroie une dotation plus importante que ce qu’il était initialement prévu, pour soutenir la dynamique de croissance du site déjà engagée. Il croit en notre modèle de développement. Cette nouvelle tranche de financement permettra de porter une activité de maturation et d’investissement dans la propriété intellectuelle plus conséquente et donc de financer de manière plus importante les projets des chercheurs alsaciens.
Nous avons à cœur de poursuivre dans notre trajectoire de diversification de notre portefeuille d’investissement. En 2012, près de 75% des projets de maturation financés concernaient le domaine de la santé. En 2014, cette part est descendue à 50%. Nous investissons dans d’autres champs disciplinaires comme les matériaux ou les sciences pour l’ingénieur. Notre portefeuille est le reflet des compétences et des forces du site. Notre objectif est d’intégrer davantage les sciences humaines et sociales, les sciences économiques et juridiques dans nos projets d’investissement et de favoriser des projets pluridisciplinaires. Il existe dans ces domaines un potentiel très important à l’Université de Strasbourg que nous souhaitons valoriser davantage.
Propos recueillis par Anne-Isabelle Bischoff
Aude Chatelard, finaliste du concours Ma thèse en 180 secondes 2015*, est doctorante au sein du laboratoire Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée - Europe (Archimède). Les 180 secondes de sa présentation à la fois originale, drôle et presque théâtrale, ont séduit le jury et donné envie au public d’en savoir plus sur le travail de recherche qu’elle mène depuis trois ans.
« Bonjour, auriez-vous quelques minutes pour que je vous parle de religion ? » C’est avec cette question que commence la présentation de la jeune chercheuse. « Imaginez que vous ouvrez votre porte et que c’est une activiste femen dénudée et couverte de fleurs qui vous pose cette question. Vous croyez que c’est une blague, car ce genre de demoiselles mènent plutôt des actions contre la religion et pour le droit des femmes. » Au travers de cet exemple, Aude souligne que pour la plupart d’entre nous, religion, émancipation féminine et droit politique ne vont pas ensemble. Et pourtant, c’est au carrefour improbable de ces trois routes, qui d’ordinaire ne se croisent jamais, que se situe son travail de thèse !
La jeune historienne s’intéresse à la notion de citoyenneté féminine au travers des pratiques religieuses dans l'Italie romaine du 4e siècle avant Jésus Christ à la fin de la République. « À cette époque, la religion n’est pas une question de foi personnelle comme aujourd’hui. Elle est centrée avant tout sur la vie de la cité et fait partie intégrante du quotidien. » Pour les Romains, les dieux pourraient être comparés à des citoyens invisibles dotés de « super pouvoirs » qui leur permettent d'agir sur la destinée d'une cité, de manière positive si les rites sont respectés, ou de manière négative dans le cas inverse ou en cas de mécontentement. « Il faut imaginer une religion où le sentiment religieux, la croyance personnelle, ne sont pas les choses les plus importantes, mais où l’on demande l’avis des dieux pour tout », détaille la chercheuse.
La religion, un terrain favorable au développement de la citoyenneté féminine
Concernant la condition féminine à Rome dans l’Antiquité, les femmes n’ont pas de statut de citoyenne et semblent à première vue avoir des droits limités, comme le droit d’hériter ou de faire du commerce sous la responsabilité d’un tuteur légal. « Mais en réalité, elles sont très présentes et impliquées dans la vie de la cité qui ne peut fonctionner sans elles », explique la doctorante.
D’après ses recherches, de nombreuses traces, comme des grafitis électoraux trouvés à Pompéi, montrent que les femmes s'intéressent à la vie politique des cités et se sentent concernées. Des textes rapportent que les femmes pouvaient assister et participer à des procès, à des débats publics, à la vie civique publique. « Certes elles n’avaient pas le droit de vote – comme de nombreux hommes en fait, puisqu'à Rome, le vote commence par les plus riches et on s'arrête lorsque la majorité est atteinte : une large frange de la population modeste ne votait donc jamais – mais elles pouvaient être présentes dans les séances préparatoires à différentes assemblées. » Toutes ces traces permettent de définir une forme de citoyenneté féminine du quotidien. Celle-ci est encore plus claire selon la chercheuse dans le domaine de la religion, où la présence des femmes était véritablement indispensable, où elles avaient des obligations vitales à l’existence de la cité. « Mon travail m’a permis de montrer que la religion est l’un des terrains où la place des femmes dans la cité est mise en valeur, et est ainsi favorable au développement de la citoyenneté et à une forme d'émancipation des femmes. » Finalement, comme le conclut la jeune femme, l’histoire romaine est l’histoire d’une longue émancipation féminine dont l'aboutissement se situe sous l'Empire romain, « et ceci, 2 000 ans avant les suffragettes anglaises, le droit de vote et les femens ».
A-I. B.
Le président de l'université et le professeur Jean-Marie Lehn ont accueilli une délégation de l'Université des sciences et technologies de Macao mercredi 8 avril dernier. Cette visite a été l'occasion pour le président de l'université chinoise de remettre le titre de docteur honoris causa au professeur Lehn lors d'une cérémonie qui s'est déroulée à l'Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires.
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